M. Ramella est un des conservateurs du jardin botanique de Genève. Je l'ai rencontré par un critique d'art à qui j'ai présenté mon projet. Ce spécialiste pouvait m'aider à préciser certaines entrées de ma recherche sur les plantes pionnières et la ronce en particulier, ainsi que leurs milieux.

Au fil de la discussion, il apparaissait que les non-sites (buttes, talus de chemins de fer ou d'autoroute, anciennes gravières ou chantiers) présentaient les conditions idéales pour le développement d'une flore, puis d'une faune particulière, propre et parfaitement adaptée au lieu d'émergence. En plus d'un certain nombre de références dans les sciences botaniques sur les plantes envahissantes, la discussion mit au jour trois points:

D'abord la réalité des plans de compensation.
L'état soucieux de maintenir une flore&faune riche, met en place des programmes de compensation. Le principe est simple: pour une zone construite, on réhabilite une autre zone en espace "naturel". L'administration semble pourtant utiliser une règle de calcul trop simple. Ainsi, quelques vieux chênes, sains et entretenus, du parc botanique ont été simplement éliminés pour la troisième voie du chemin de fers. Sous l'insistance du parc, une compensation a été obtenue avec la plantation de quelques glands de chênes. Il semblerait y avoir un déséquilibre.

Puis d'une part quelques qualités de la ronce.
La ronce est une plante pionnière, c'est-à-dire qu'elle fait partie de ces plantes qui occupent des lieux dévastés et les colonisent. C'est une plante extrèmement robuste dont la seule exigence est un fort ensoleillement. Des branches partent en bouquet à raz le sol vers le ciel, mais, élastiques, les branches retombent sous leur poids sur le sol. Elle prolifère sur deux modes séparés. D'un côté par le cycle de la floraison; ces nouvelles plantes sont chargées d'un nouveau code génétique. De l'autre par marcottage: la branche tombante touchant le sol, le bout lance des racines dans le sol qui va faire repartir de nouvelles branches. La branche mère s'assèche et se défait, servant d'engrais pour les nouvelles branches. Ce processus maintient le code de la branche-mère. La ronce devient donc très dense. Cette densité pourtant n'est pas étouffante, au contraire, la sol couvert par la ronce devient le lieu d'émergence d'autres plantes et l'abri d'une faune sensible au gros prédateurs. La ronce ne stérilise pas le sol et tolère d'autres espèce en elle. Si celles-là s'élève au-dessus d'elle, alors la ronce, ombragée, se retirera.

D'autre part les chances d'une re-colonisation.
Ce type de processus évidemment nécessite du temps afin que le lieu dévasté développe toutes ses richesses potentielles. Ce temps est rarement imparti à ces terrains, soit parce qu'ils sont "soignés", la ronce étant considérée comme de la mauvaise herbe, soit parce qu'envahi par une nouvelle construction. Il ne faudrait pas voir ici une nostalgie d'une nature bonne at autonome dont nous devons êtres les humbles habitants. Nous sommes trop loin. Mon site lui-même présente une déviance puisque la ronce prend décidèment une dimension démesurée et que la seule plante qui peut resister est le frêne, considéré comme plante nuisible parce que trop envahissant (plus robuste et plus rapide que ses congénères). Il y a donc dans la nature même, un processus d'apauvrissement parce que seuls les plus résistants tiennent et prolifèrent dans les espaces physiques et temporels que nous laissons "de côté". Pourtant la question qui revient par un étrange détour semble être celle-ci: Comment re-prendre prise au monde sans passer par le mode de l'occupation/colonisation totale et universelle?